Les acheteurs étrangers devraient-ils acquérir des biens immobiliers au Royaume-Uni au nom de leurs enfants ?

Cet article a pour but d’aborder certaines problématiques auxquelles font face les parents lorsqu’ils envisagent d’acheter des biens immobiliers au Royaume-Uni en leurs noms propres, ou aux noms de leurs enfants. Les problématiques principales sont envisagées ci-dessous. Veuillez noter que les termes ‘enfant’ et ‘enfants’ sont utilisés de manière interchangeable au cours du texte, mais lorsqu’un parent achète au nom d’un ou plusieurs enfants, les mêmes principes s’appliquent.

Toute succession sur le patrimoine immobilier au Royaume-Uni (à savoir : les droits et procédures s’appliquant à une succession sur la détention de biens immobiliers à la date d’un décès) est un élément qui doit être considéré lors de toute acquisition immobilière substantielle. Le droit des successions varie d’un pays à un autre (et peut également varier entre états et régions) et est donc une considération importante pour les personnes ayant des biens dans différents pays. En novembre 2021 le Financial Times a indiqué que le nombre de biens d’habitation en Angleterre at au Pays de Galles appartenant à des acheteurs étrangers a triplé dans la dernière décennie. Par conséquent, ces questions d’acquisition de biens immobiliers au Royaume Uni sont une problématique d’actualité pour un nombre croissant d’acheteurs.

Comment les successions fonctionnent elles en Angleterre et au Pays de Galles ?

La marque de fabrique du droit des successions en Angleterre et au Pays de Galles est ‘la liberté testamentaire’ – c’est-à-dire qu’à la date d’un décès, le défunt peut laisser ses biens à quiconque au terme de ses dispositions testamentaires. Ceci contraste avec les systèmes que l’on retrouve dans d’autres pays et États, particulièrement en Europe, où la succession peut être gouvernée par «les règles d’héritage forcé» (forced heirship rules) qui imposent la succession à un membre proche de la famille à différents degrés.

Néanmoins, le droit anglais autorise dans certaines circonstances qu’un nombre limité de personnes puisse déposer une requête au titre d’une provision financière provenant du patrimoine d’une personne, si celles-ci estiment avoir été lésées en tant que dépendant du défunt. De telles réclamations sont à la discrétion de la Cour et n’ont pas garanties de réussite.

Si une personne décède sans laisser de testament qui s’appliquerait à ses biens anglais, le droit anglais dicte une hiérarchie des proches qui hériteront des bien anglais (ce que l’on appelle «les règles de l’intestat »( intestacy rules).

Pourquoi ceci est-il important pour un acheteur non-résident ?

La succession de terrains et de propriétés est, généralement, gouvernée par le pays dans lequel ils sont situés. Donc, quiconque possède des terres ou une propriété en Angleterre devrait rédiger un testament en Angleterre pour s’assurer que les biens seront hérités par les personnes souhaitées. Par exemple, si la personne qui acquiert la propriété en Angleterre vit en France, elle devrait engager les services d’un avocat anglais pour l’aider à rédiger un testament anglais qui couvrira spécifiquement les biens en Angleterre et au Pays de Galles.

Acheter au nom d’un enfant adulte

Afin de gérer la succession d’un bien anglais, il existe la possibilité pour des parents d’acquérir la propriété au nom de leur enfant. Il faut noter qu’en Angleterre et au Pays de Galles, les terrains et biens immobiliers ne peuvent pas être enregistrés au nom d’une personne non-majeure ; cette option est donc uniquement disponible lorsque l’enfant de l’acquéreur est majeur.

Quels sont les avantages et les inconvénients ?

Succession précoce

Si les parents ont l’intention à terme que leurs enfants héritent de leurs biens immobiliers anglais, ils pourraient considérer qu’il est plus simple que leurs enfants reçoivent la propriété au moment même de son acquisition, afin que l’enfant n’ait pas à faire face aux complications, telles dépenses et délais d’une succession transfrontalière qui peuvent survenir lorsque les parents décèdent à l’étranger avec un patrimoine immobilier au Royaume-Uni. Si l’enfant vit en Angleterre, et la propriété est enregistrée en leur nom propre, ceci pourrait alors simplifier la succession au décès de ses parents.

L’impôt sur la succession (Inheritance Tax « IHT »)

Quand il s’agit d’héritage, il faut prendre en compte l’impôt sur la succession. Au Royaume-Uni, l’impôt sur la succession s’applique aux dons/donations (gifts) et autres transferts de valeur d’une personne à une autre durant leur vie ou à leur décès. Pour ceux qui résident à l’étranger mais possèdent des biens au Royaume-Uni, l’impôt peut s’appliquer lors du transfert de ces biens anglais si leur valeur est supérieure au seuil d’imposition (£325.000 – à la date du 1er octobre 2024).

Si un parent envisage de donner une propriété résidentielle à ses enfants, il devra prendre en compte les conséquences de l’impôt sur la succession pour les différentes options suivantes :

  1. Le parent achète le biens anglais au nom de ses enfants: dans ce cas de figure, le transfert de la valeur sera le montant des fonds utilisés (à savoir le prix d’achat) pour l’acquisition du bien. Si le parent qui ne réside/n’est pas domicilié au Royaume-Uni achète le bien résidentiel anglais au nom de son enfant avec des fonds en provenance d’un compte bancaire non-anglais, alors l’impôt sur la succession ne s’appliquera pas au don/à la donation.
  2. Le parent possède déjà le bien anglais, et le transfère à ses enfants ultérieurement : dans ce scénario, le don/la donation fait par le parent sera le bien anglais lui-même. Si le parent décède dans les 7 années de la date à laquelle le don a été fait, l’impôt IHT pourrait être appliqué sur la valeur du don, en fonction de la valeur du bien au moment du don en question. Néanmoins, le montant de l’impôt peut être réduit si le parent survit entre 3 à 7 ans après que la donation ait été faite. Si le parent survit 7 ans après que le don ait été fait alors aucun impôt sera payable, à condition que le parent n’utilise pas ou ne bénéficie pas de la propriété qu’il a donnée.
  3. Le parent achète le bien anglais, et ses enfants en héritent à son décès; il est probable que l’impôt sur la succession sera payable lors du transfert du bien immobilier du parent à l’enfant lors du décès du parent.

En résumé, l’impôt sur la succession est un sujet compliqué et il est fortement recommandé d’obtenir des conseils sur la fiscalité anglaise en amont, avant même d’acheter ou de transférer des biens immobiliers anglais pour le bénéfice des enfants. Les conseils fournis ci-dessus constituent un bon point de départ.

Donation avec réserve d’usufruit

Si un parent décide de donner pendant sa vie (exemples 1 & 2 ci-dessus) une propriété anglaise à son enfant, afin de bénéficier d’avantages fiscaux, il doit s’assurer de ne pas conserver des avantages dans la propriété cédée, tel par exemple utiliser ou résider dans la propriété pendant un mois ou plus par an, ou recevoir des revenus locatifs en provenance du bien en question. Ceci pourrait être considéré comme une ‘donation avec réserve d’usufruit’, ce qui pourrait potentiellement invalider le don en ce qui concerne les impôts sur la succession au Royaume-Uni ; ceci pourrait alors signifier que l’impôt serait probablement prélevé sur le bien anglais au décès des parents.

Les règles de donations avec réserve d’usufruit sont complexes ; mais si l’administration fiscale britannique considère qu’un bénéfice a été obtenu par les parents, toute économie potentielle d’impôt succession IHT qui aurait pu être obtenu par le don du bien sera perdue.

Impôt sur les plus-values (capital gains tax – CGT)

Depuis quelques années, les impôts sur le revenu et les plus-values provenant de biens immobiliers anglais ont commencé à susciter l’attention de l’administration fiscale britannique. Elle est particulièrement focalisée sur l’imposition des propriétaires non-résidents. A ce titre, lorsqu’on planifie une succession, l’impôt sur les plus-values doit être pris en compte.

Une personne qui ne réside pas au Royaume-Uni et est propriétaire d’un bien résidentiel au Royaume-Uni est soumise à l’impôt sur les plus-values lors de la cession de son bien immobilier anglais. Il faut noter que céder un bien immobilier anglais à ses enfants, sera considéré comme une vente (disposal) en ce qui concerne l’impôt sur les plus-values. Par conséquent, si un parent qui ne réside pas au Royaume-Uni achète un bien immobilier au Royaume-Uni en son nom et plus tard décide de donner le bien à son enfant (exemple 2 ci-dessus), il risque d’être confronté à un une imposition sur les plus-values, calculée par rapport à l’augmentation de la valeur entre le prix d’achat initial et la valeur du bien au moment de la donation à son enfant.

Si un parent achète un bien immobilier anglais au nom de son enfant (exemple 1 ci-dessus) et l’enfant vit dans la propriété, étant son unique ou sa principale habitation, alors une exonération d’impôt CGT, appelée ‘exonération au titre de la résidence principale privée’ (principal private residence relief) devrait empêcher l’enfant d’être soumis à l’impôt sur les plus-values s’il décide plus tard de vendre le bien. Si l’enfant ne vit pas dans la propriété en tant que son unique ou sa maison principale, alors il pourra être soumis à l’impôt CGT en cas d’augmentation de la valeur du bien lorsqu’il le vendra.

L’impôt est un domaine compliqué du droit anglais. En sus des impôts sur une succession (inheritance tax) et sur les plus-values (capital gains tax), un parent doit également considérer d’autres conséquences fiscales anglaises telles par exemple l’impôt sur le revenu (Income Tax) et sur l’enregistrement fiscal lors d’un achat immobilier (Stamp Duty Land Tax). Il est vivement recommandé d’obtenir des conseils fiscaux avant de procéder à une acquisition importante ou de faire un don/une donation d’un bien immobilier.

Changements à venir en matière d’impôts sur la succession et sur les plus-values

À la suite des élections qui ont eu lieu au Royaume-Uni en juillet 2024, il semblerait que le nouveau gouvernement travailliste ait prévu de modifier les règles concernant les impôts sur la succession et sur les plus-values. Cependant, aucun détail a été publié à la date de rédaction de cet article. Nous attendons donc fin d’octobre 2024 le budget d’automne du gouvernement anglais durant lequel les changements fiscaux pourraient être annoncés.

L’exposition aux évènements de la vie courante

Tant bien que les impôts soient un élément important dans la planification de la succession dans tous pays, il est important que les familles ne négligent pas les autres risques.

Le risque le plus significatif dans un don/une donation de son vivant d’un actif à un enfant est simplement que l’actif appartienne ensuite à l’enfant. Le don/la donation est alors exposé (e) à de potentiels effets adverses pendant la vie de cet enfant. Par exemple, si l’enfant divorce, une partie de la valeur de la maison pourrait être versée à l’ex-époux/épouse au terme d’une convention de divorce. De plus, si l’enfant fait faillite, la propriété pourrait être vendue pour payer ses créditeurs. Ou encore, si l’enfant décède soudainement, la propriété dévoluera en fonction des termes de son testament ou ab intestat à sa famille.

L’enfant pourrait signer une ‘déclaration sur l’honneur’ (declaration of trust) au sein de laquelle il déclare qu’en dépit du fait que la propriété est en son nom, le droit de bénéficiaire (beneficial interest) (la valeur sous-jacente de la propriété) appartient au parent. Néanmoins, bien que ceci puisse éviter les risques liés au divorce ou à la faillite de l’enfant cités ci-dessus, cela pourra entrainer une imposition (impôt sur la succession) sur la valeur de la propriété lorsque le parent décède.

Résumé

En résumé, les conséquences d’un parent non-résident au Royaume-Uni qui achète ou transfère un bien résidentiel anglais pour le bénéfice des enfants sont les suivantes :

  • La succession de la propriété lors du décès n’est plus un facteur dont il convient de tenir compte pour les parents et peut être simplifiée.
  • Il y a potentiellement un traitement favorable des impôts sur la succession anglais pour les parents non-résidents au Royaume-Uni (voir exemples 1 & 2 ci-dessus).
  • Il y a potentiellement des implications favorables en matière d’impôts sur les plus-values.
  • La propriété appartiendra à l’enfant et est donc exposée à tous potentiels évènements négatifs qui pourraient survenir durant la vie de l’enfant.
  • Le parent ne pourra ni utiliser ni bénéficier de façon significative de la propriété sans entrainer des effets adverses en matière d’imposition britannique.

Lorsqu’ils examinent les options qui s’offrent à eux, les parents devront obtenir des conseils de la part de comptables et/ou d’avocats anglais et, tout aussi important, avoir des discussions sur ces sujets avec leurs familles, pour s’assurer que les objectifs au long-terme sont atteints de la meilleure façon possible.

Département Clientèle Privée Groupe français

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Bulletin rédigé sur la base d’informations disponibles au 1 Octobre 2024
Cette note succincte est à titre informatif uniquement. Nous vous invitons à prendre tous conseils nécessaires en fonction de votre situation personnelle.

Traduction de l’articlede Mr Robin Lecoutre 

Robin.Lecoutre@brownejacobson.com

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