Décidément, les tempêtes et vents contraires se succèdent pour essayer de faire dérailler un marché immobilier incroyablement robuste. Après plus de 20 ans de croissance soutenue des prix avec +10% par an en moyenne, le marché immobilier a dû affronter, successivement depuis 2015, une hausse historique de la fiscalité sur l’immobilier, le Brexit, le Covid et maintenant la guerre en Ukraine. La crise économique globale qui en découle avec la hausse extrême des prix de l’énergie, des matières premières et l’inflation massive qui s’en suit partout et en particulier au Royaume-Uni ne va-t-elle pas enfin faire chuter les prix de l’immobilier à Londres ?
En 2015, la forte hausse de la fiscalité sur les biens chers (stamp duty) est responsable d’une baisse importante mais somme toute relative de l’ordre de 15% sur le marché premium (biens d’une valeur supérieure à £2M) sur une période de 5 ans mais les prix sont bien repartis à la hausse depuis et cette baisse est maintenant comblée. Pour le reste du marché, la croissance n’est certes plus à 10% voire à 20% par an comme par exemples en 2013 et 2014 mais les prix sont restés robustes et ont continué à croitre de quelques % par an et ce malgré le Brexit et la crise sanitaire. Certains quartiers ont pris plus de valeur que d’autres. Les maisons et appartements avec espaces extérieurs, très demandés depuis la pandémie, ont aussi vu leur valeur augmenter de manière plus importante. Sur le terrain, le sentiment était jusqu’à la fin du printemps celui d’un marché qui pousse et qui ne demande qu’à repartir. Depuis, les nuages noirs de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt qui s’en suit ont pointé leur nez à l’horizon. Est-ce la fin d’une longue période prospère pour l’immobilier Londonien ?
Comment expliquer la résilience du marché immobilier anglais et Londonien jusqu’à maintenant?
Certes, on ne peut pas dire que la hausse de la fiscalité appliquée en 2015 (augmentation du stamp duty sur les biens de plus de £900K, 3% additionnels pour tout achat quand vous êtes déjà propriétaires n’importe où dans le monde avec un bonus supplémentaire de 2% si vous n’êtes pas résidents au UK), le Brexit et la pandémie n’ont pas participé au ralentissement du marché mais certains paramètres indiscutables et structurels n’ont pas changé et, en premier lieu, celui de l’offre et de la demande. Brexit ou pas Brexit, le Royaume-Uni et Londres en particulier restent très attractifs. Londres est toujours une « capitale monde » incroyablement prisée pour son dynamisme, son melting pot culturel, ses écoles et universités, la langue anglaise, la facilité d’entreprendre et d’investir, la sécurité etc… Le Brexit rend évidemment les choses un tantinet plus compliquées qu’auparavant et les européens qui souhaitent venir s’installer doivent maintenant obtenir un visa. Néanmoins, c’est un fait, la population continue d’augmenter. La demande reste donc forte.
Quid de l’offre? Il est de notoriété publique qu’elle est trop faible et le gouvernement a pour objectif de construire 300 000 nouveaux logements par an depuis 2020, un objectif qui est loin d’être atteint, année après année… Ce déséquilibre, qui ne se comble pas, participe donc structurellement à la robustesse du marché.
De plus, les crises successives ne sont pas de nature à rassurer et la majorité tend à ne pas précipiter un « move » et opte pour une attitude de type « wait an see ». Le stock de propriétés à la vente est donc faible voire très faible, accroissant la tension sur les prix car les acheteurs sont toujours là.
La fiscalité (additional stamp duty pour tout investissement locatif) et les conditions de financement (nécessité d’un apport conséquent) ont été rendus peu favorables à l’investissement « Buy To Let » depuis 2015. L’objectif gouvernemental était, à l’époque, de diminuer la pression acheteuse pour freiner la hausse des prix et favoriser l’accès à la propriété surtout pour les primo-acheteurs. Cette stratégie a peut-être fonctionné dans une certaine mesure mais elle a contribué fortement au manque de logements aujourd’hui disponibles à la location et par voie de conséquence directe à l’augmentation des loyers, déjà très élevés. C’est une mauvaise nouvelle pour les locataires qui supportent de moins en moins de financer le capital de leur propriétaire. L’accès à la propriété devient donc vitale pour ceux qui le peuvent.
Source: Rightmove quaterly asking rent data
Source: ONS, UK House Price Index
Que va t’il se passer maintenant?
On pensait avoir tout vu ? Que nenni ! A peine remis de la pandémie, nous voilà confrontés à la guerre en Ukraine, ses tragédies, les chamboulements et la crise économique mondiale qui en découlent. L’inflation galopante frise les 2 chiffres et les banques centrales n’ont d’autres choix que d’augmenter les taux d’intérêt.
Au UK, les taux d’intérêt pour un emprunt immobilier résidentiel sont ainsi passés de 1.5% à presque 4% en 2 mois. Ce n’est évidemment pas une nouvelle de nature à dynamiser le marché immobilier mais faut-il pour autant s’attendre à un séisme ? C’est peu probable….
En effet, les taux d’intérêt sont encore loin d’être à des niveaux records et les banques ont déjà pris des mesures pour limiter les niveaux de remboursements mensuels en prêtant sur des durées plus longues, fonctions de l’âge des emprunteurs mais pouvant aller jusqu’à 50 ans, au lieu des 25 ans habituels. Autre paramètre important est le montant que les banques sont prêtes à octroyer, normalement proportionnel aux revenus des acheteurs. Celui-ci est de l’ordre de 5 fois aujourd’hui mais il pourrait être ajusté à la hausse.
Les niveaux de stamp duty sont aujourd’hui élevés (taxe à l’achat) et pourraient aussi être revus à la baisse si nécessaire pour donner un coup de fouet au marché et augmenter le nombre de transactions. Des mesures fiscales pourraient aussi etre prises pour relancer l’investissement en « Buy To Let ».
La livre sterling continue de baisser face au dollar notamment, rendant le marché attractif pour des acheteurs et investisseurs étrangers. Ceux-ci pourraient profiter de l’aubaine, surtout sur le premium.
Enfin, les gens souhaitent toujours être propriétaires et les loyers qui augmentent ne sont pas de nature à renverser la donne. Quand bien même la situation économique deviendrait catastrophique, l’immobilier londonien resterait perçu comme une valeur refuge et les placements alternatifs voire les non placements pourraient bien s’avérer plus risqués. C’est en tous cas notre opinion. Même si les prévisions comme celles de Savills, ci-dessous, ont été revues légèrement à la baisse, elles restent intéressantes (PCL veut dire Prime Central London)
En conclusion, la conjoncture économique risque certes de freiner le dynamisme du marché à moyen terme mais la forte demande et les nombreux leviers dynamisant devraient pouvoir compenser. Il semblerait que la question à se poser reste « Est-ce que je peux acheter ? » et non « Est-ce une bonne idée d’ acheter ? » car les loyers, eux, ne sont pas prêts de baisser.